La semaine dernière, nous évoquions les tensions existant au sein du personnel du centre fermé pour jeunes de Saint-Hubert, ainsi que les problèmes de sécurité que connaît le centre de détention situé au même endroit. C’est surtout la ferme attenante au centre de détention qui cristallisait les inquiétudes du personnel. Sur invitation de la direction de la prison, nous avons pu la visiter... et découvrir un mode de fonctionnement unique en Belgique.
Le bruit des vaches et des poules, une odeur qui ne trompe pas, et une vue imprenable sur la basilique de Saint-Hubert... Voilà un tableau qui ne ressemble guère à la description d’un centre de détention. Et c’est pourtant dans ce cadre que vivent les détenus de la prison de Saint-Hubert, un centre semi-ouvert qui existe sous cette forme depuis les années 60. «Avant cela, il n’y avait qu’un centre fermé pour jeunes, qui existe toujours aujourd’hui», explique Jean-Philippe Koopmansch, directeur de l’établissement. «En 1906, un ferme a été construite à côté, pour permettre à tous les délinquants de Belgique qu’on envoyait ici de s’occuper de manière constructive. Cette ferme, nous l’avons mise à profit avec les détenus, sachant que ce centre de détention a toujours été conçu comme un milieu semi-ouvert. D’ailleurs, les premières enceintes ici ne datent que de 2008-2009...»
Depuis lors, les travaux de sécurisation se sont multipliés, mais sans perdre la vocation première de l’établissement.«Les détenus doivent pouvoir travailler librement. Ce ne sont donc pas les plus dangereux qui sont envoyés ici», poursuit M. Koopmansch. «Nous ne récupérons que les personnes qui purgent des peines de moins de 5 ans, qui sont adaptées à la vie en groupe et qui adhèrent à notre projet.» Ce projet, justement, quel est-il? «Il consiste à redonner aux détenus le rythme de la vraie vie, avec des horaires de travail, etc. Après quelques jours, même les plus nerveux des détenus s’apaisent, c’est incroyable.»
200 vaches à entretenir
Du travail, la ferme de la prison de Saint-Hubert n’en manque pas. «Nous avons un hectare et demi de légumes. On sème des semis, on replante et on récolte. On vend une partie au personnel, le reste est servi dans la prison et on congèle aussi pour en avoir toute l’année. En outre, nous élevons 200 vaches, une partie viandeuse et une partie laitière», détaille M. Koopmansch. «La crise du lait nous a forcés à nous demander comment nous pourrions nous diversifier. C’est comme ça que les agents pénitentiaires ont pensé à la crème et au beurre. Mais d’autres agents ont vu encore plus de possibilités dans la production de fromage.»
Aujourd’hui, 3000 «petits frais» sont produits par semaine et vendus dans une bonne partie des prisons wallonnes. Et ce n’est là qu’un échantillon de la dizaine de fromages produits à la ferme de la prison! «Tout ici est conçu pour fonctionner en circuit court. C’est le cas avec les légumes, la viande, le fromage. Mais nous coupons également du bois que nous revendons localement, nous utilisons la sciure de notre menuiserie pour assécher les étables, et nous sommes entièrement auto-suffisants en eau grâce à nos trois puits...»
Face à ce travail abondant, Jean-Philippe Koopmansch regrette qu’il ait été fait grand cas de la consommation d’alcool dans la prison. «A la fin de la fenaison, les hommes ont partagé un verre, c’est vrai. Comme c’est interdit, j’ai dû rappeler tout le monde à l’ordre. Mais dans n’importe quelle entreprise privée, c’est monnaie courante, non?»
Un article que vous pouvez découvrir dans la Meuse Luxembourg de ce samedi